Tomber huit fois, se relever neuve

Moment méditation

Il est 21h30, ou 22h, l’air se rafraichit, il fait frais mais pas froid. Il fait bon. Mes volets sont fermés, le soleil commence à se coucher, c’est le début de l’obscurité, il ne fait pas totalement noir, mais pas trop jour, c’est une luminosité parfaite, un peu tamisée.

J’enlève mes chaussettes, j’enlève mon t-shirt, je reste en débardeur, c’est très bien comme ça. Je mets un châle autour de mes épaules, et je m’assois en tailleur, je garde le dos bien droit, les épaules alignés. Je mets ma main gauche au dessus de ma main droite, les pouces se rejoignant exactement à la hauteur de mon nombril.
Je prends une grande inspiration dont je prolonge l’expiration. Et je respire calmement.

Je ferme les yeux, ça y est, je commence. Il n’y a plus d’ennui, le passé n’existe plus, le futur n’existe plus. Les échecs et les réussites qui m’ont amenés ici n’existent plus, toutes les questions quant à mon avenir, de demain ou dans 5 ans n’existent plus. Seul le présent est. Il n’y a aucune question à se poser, aucun regret, aucune crainte, aucun doute, le présent est là et il est seulement là. Ho lala si ça se trouve demain je ne vais pas voir petit loulou, imagine qu’il soit partis en vacances.... Quand est-ce que je vais partir en vacances ? Il va bien falloir que je parte quelque part un jour, je vais pas accumuler 15 ans de congés non plus, pouf ! Ho lala non, j’en étais à ma respiration, première distraction. Torpeur, je commence à piquer du nez, je continue les yeux ouverts.

J’essaye de ressentir ce qu’il se passe dans ce corps, les poumons se remplissent d’air et se dégonflent, le sang circule sans cesse dans les veines, les ventricules du coeur se remplissent de sang dont la pression est géré par le noeud sinusal, la valve s’ouvre et se referme, et le cerveau gère tout ça, les nerfs se contractent, mon estomac se remplit de sécrétions gastriques, les minéraux sont filtrés, les déchets sont dégagés, après je vais me faire un thé vert, ou alors ça dépend si je vais dormir direct après ou pas, sinon je peux lire un peu avant, sauf si j’ai la flemme, j’en étais où dans mon bouquin, ha merde j’en sais plus rien. Merde concentre toi sur ta respiration ! Deuxième distraction.

Je suis calme là, je sens ma respiration lente, mon coeur qui bat lentement, je suis sereine, je suis super calme et j’adore ce moment. Je suis présente, je suis là, ici et maintenant. On est aujourd’hui, je suis là, ma mère est là, et je suis avec elle, mes soeurs sont là, mon père aussi. Ils sont vivants, je suis vivante avec eux. Et moi j’ai 25 ans, et je suis là, maintenant et ici. Je suis dans cette pièce, au milieu de l’espace. L’espace est ouvert et je suis dedans, je crée dedans, je suis dans cet espace, dans ce temps, en plein milieu spacio-temporel. Et dans 10 ans je me rappellerais de ce moment où j’étais présente ici, sauf si je meurs avant. Et j’irai où après ma mort, parce que si je meurs, je ne veux pas avoir fait tout ce bordel pour rien ! Troisième distraction.

Je, je, je. Je suis peut-être présente, là, mais je ne suis pas moi surtout. Mon corps qui remplit cet espace n’est pas à moi, je ne suis pas ici, ce bureau n’existe pas, cette pièce non plus et ce repère temporel n’existe pas. Tout est une illusion de mon cerveau, engendré par toute une série de phénomènes interdépendants. Rien n’existe, je suis dans une illusion totale et entière, tout ce que je vois ne m’est que subjectif, je suis dans l’illusion simple.

Et je continue ma méditation, puis je médite sur les préceptes, l’Octuple Sentier et je récite deux soutras.
Ce moment, je l’adore. Parfois ça me casse les couilles, c’est normal, mais quand je suis dans ce moment, j’adore.
Si tu relis ça un jour, Boulite, si tu relis ça et que tu as repris la clope, dis-toi que tu n’as pas besoin de cette merde, médite, sois pleinement consciente de cet instant, de ce présent, sois entière et entièrement engagée. Tu peux être dans la merde, la déprime ou le néant, mais cet instant, ce présent, tu en as conscience. Peu importe où la mort t’emmènera, dans le présent, il n’y a plus de questionnement.
Tu parles ! ! Putain de connerie oui.